Les procurations en assemblée de copropriétaires
Revue CopropriétéPLUS, Été 2014
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photo de l'auteur Me Stefania Chianetta

 

Sauf les cas où il a délégué cette tâche à un gérant qu'il a nommé, il revient habituellement au conseil d'administration d'un syndicat de copropriété de s'occuper du processus de convocation des assemblées générales des copropriétaires, annuelles ou extraordinaires (ci-après « assemblée »).

Or, en plus des documents exigés par l'article 1087 du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. »), il est d'usage de joindre à l'avis de convocation de l'assemblée un formulaire appelé « Procuration », qui permet à tout copropriétaire, lorsqu'il ne peut être présent à l'assemblée, de nommer une personne qui pourra y assister et, dépendamment des pouvoirs confiés dans la procuration, de voter et/ou d'agir à sa place.

Ce procédé est fort utile puisque les assemblées des copropriétaires ne sont pas publiques1 et que par conséquent, uniquement les copropriétaires ou leurs représentants dûment nommés (leurs mandataires) peuvent assister à l'assemblée et y voter. À titre d'exemple, les conjoints de copropriétaires qui ne détiennent pas de titre de propriété sur l'unité qu'ils habitent, de même que les locataires ou tout autre occupant non propriétaire de l'unité, n'ont pas le droit de participer, ni de voter à l'assemblée, et ce même si leur présence pourrait tout de même être tolérée par le président d'assemblée2.

Pour qu'une assemblée soit valide, un certain nombre de voix (droits de vote) doit être présent ou représenté dans la salle et y participer. Ainsi, tel que l'indique l'article 1089 C.c.Q., le quorum à l'assemblée des copropriétaires est constitué par les copropriétaires détenant la majorité des voix. Advenant que cette majorité de voix ne soit pas atteinte, l'assemblée devra être ajournée. Lors de l'ajournement de l'assemblée, le quorum est automatiquement atteint par les trois quarts des membres présents ou représentés à l'assemblée.

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Votre déclaration pourrait prévoir autres choses en matière de quorum. Ainsi, il est essentiel de vérifier votre Déclaration de copropriété, au cas où celle-ci contiendrait d'autres dispositions à cet égard.

Dans ce contexte, il est facile de saisir toute l'importance que peut revêtir l'utilisation de procurations dans certaines circonstances où seulement un nombre réduit de copropriétaires se présentent à l'assemblée convoquée.

Malgré la formulation somme toute assez simple que peut revêtir le formulaire de procuration, l'utilisation de celui-ci suscite tout de même certaines interrogations auxquelles nous tenterons de répondre. Notre objectif est donc de faire le tour de la question car une meilleure compréhension peut éviter bien des complications.

Voyons d'abord quelles sont les règles qui s'appliquent à la procuration.

D'entrée de jeu, nous tenons ici à affirmer l'importance de toujours vérifier au préalable les dispositions de la Déclaration de copropriété qui pourraient avoir un impact sur les procurations. En effet, la Déclaration de copropriété est le contrat qui encadre les relations entre copropriétaires et les organes décisionnels et qui régit une panoplie de situations qui peuvent se présenter dans le cours des activités de la copropriété.

En plus de la Déclaration de copropriété, certaines dispositions du C.c.Q. vont aussi gouverner le domaine des procurations.

Ainsi, une lecture de l'article 1039 C.c.Q. nous indique que les copropriétés divises sont des personnes morales. De ce fait, elles sont régies, de façon supplétive3, par les dispositions du C.c.Q. applicables aux personnes morales, soit les articles 298 à 364 C.c.Q., dont l'article 350 C.c.Q. qui énonce ce qui suit:

350. Un membre peut se faire représentera une assemblée s'il donne un mandat écrit cet effet. (Nous soulignons)

Nous constatons donc, d'emblée, que les procurations doivent nécessairement emprunter la forme écrite. Nous ajoutons à cela qu'il faut aussi y retrouver l'identité et la signature du copropriétaire qui choisit de se faire représenter à l'assemblée, de même que la date de sa signature. Ces prérequis sont des conditions de forme qui nous apparaissent obligatoires.

Les procurations sont aussi régies par les dispositions du C.c.Q. relatives au mandat, dont, notamment, les articles 2130 à 2165 C.c.Q. et 2175 à 2185 C.c.Q.

À leur égard, l'article 2130 C.c.Q. prévoit ce qui suit:

2130. Le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de la représenter dans l'accomplissement d'un acte juridique avec un tiers, à une autre personne, le mandataire qui, par le fait de son acceptation, s'oblige à l'exercer.

Ce pouvoir et, le cas échéant, l'écrit qui le constate, s'appellent aussi procuration. (Nous soulignons)

Le droit de se faire représenter étant intimement lié au droit du copropriétaire de pouvoir s'exprimer en participant et en votant aux assemblées4, nous ne voyons pas comment la Déclaration de copropriété pourrait interdire au copropriétaire qui veut se faire représenter à une assemblée d'utiliser une procuration à cet effet, d'autant plus que l'article 350 C.c.Q. octroie spécifiquement ce droit au copropriétaire.

Par ailleurs, la Déclaration de copropriété qui contiendrait des dispositions pour régir le droit de représentation des copropriétaires devrait tout de même respecter le second alinéa de l'article 334 C.c.Q. en veillant à préserver les droits des membres (lire copropriétaires), tel le droit de se faire représenter à l'assemblée des copropriétaires.

De surcroît, l'article 1056 C.c.Q. prévoit que la Déclaration de copropriété ne peut restreindre les droits des copropriétaires que dans certains cas, à savoir:

1056. La déclaration de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires, sauf celles qui sont justifiées par la destination de l'immeuble, ses caractères ou sa situation.

Il est maintenant acquis qu'une personne qui jouit d'un droit de propriété sur plusieurs fractions d'un immeuble en copropriété peut nommer autant de représentants que le nombre de fractions dont elle est propriétaire, puisqu'elle est considérée comme étant un propriétaire distinct par rapport à chacune de ses fractions5. À l'inverse, une même personne peut représenter plusieurs copropriétaires, puisque le législateur québécois n'a imposé aucune limite quant au nombre de procurations que peut détenir une personne.

Quant à la façon de compléter le formulaire de procuration, il est permis de se questionner sur le fait de savoir si le copropriétaire qui se fait représenter par procuration peut laisser le soin ou non à son mandataire, ou à tout autre tiers à qui il remet la procuration, de remplir lui-même l'espace prévu pour nommer son mandataire. En ce qui nous concerne, nous sommes d'avis que dans la mesure où le copropriétaire qui a signé la procuration est bien au fait des conséquences de cette décision, la procuration bénéficie d'une présomption de validité en autant qu'elle remplit, par ailleurs, les autres conditions de forme et de fond et que le nom du représentant est bel et bien indiqué avant la remise de la procuration lors de l'assemblée.

Cependant, par mesure de prudence et afin d'éviter toute contestation possible, nous ne pouvons que recommander avec insistance au copropriétaire d'indiquer lui-même, lorsqu'il remplit le formulaire de procuration, le nom et le prénom de la personne qui le représentera lors de l'assemblée. Encore une fois afin d'éviter toute ambiguïté ou contestation, nous suggérons d'y écrire le nom et prénom complet de la personne qui agira comme représentant, et non pas seulement son titre ou son lien de parenté.

La procuration pourrait être rédigée en termes assez larges pour donner toute la latitude voulue au représentant afin qu'il puisse exercer tous les droits du copropriétaire.

Il n'est pas nécessaire d'indiquer, dans la procuration, dans quel sens précis le représentant doit voter eu égard à chaque proposition présentée dans l'ordre du jour de l'assemblée. Toutefois, si le copropriétaire qui donne le mandat désire écrire des instructions précises et détaillées à son représentant, celui-ci sera tenu de les respecter à la lettre, tel que le prévoit l'article 2138 C.c.Q.:

2138. Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat qu'il a accepté et il doit, dans l'exécution de son mandat, agir avec prudence et diligence. Il doit également agir avec honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt du mandant et éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et celui de son mandant. (Nous soulignons)

La procuration, une fois donnée, peut être révoquée par le copropriétaire en tout temps, tel que le prévoit l'article 2176 C.C.Q.

Le représentant nommé n'a pas besoin d'accepter le mandat formellement. Sa seule présence à l'assemblée avec la procuration en mains est suffisante pour constituer une acceptation tacite, tel que le prévoit d'ailleurs l'article 2132 C.c.Q.:

2132. L'acceptation du mandat est expresse ou tacite; elle est tacite lorsqu'elle s'induit des actes et même du silence du mandataire.

Le représentant nommé pourrait aussi, s'il lui est impossible de se présenter à l'assemblée à cause d'un imprévu de dernière minute, sous-déléguer les pouvoirs qui lui ont été confiés à une autre personne, tel que le prévoit l'alinéa 2 de l'article 2140 C.c.Q.:

2140. Le mandataire est tenu d'accomplir personnellement le mandat, ô moins que le mandant ne l'ait autorisé à se substituer une autre personne pour exécuter tout ou partie du mandat. Il doit cependant, si l'intérêt du mandant l'exige, se substituer un tiers, lorsque des circonstances imprévues l'empêchent d'accomplir le mandat et qu'il ne peut en aviser le mandant en temps utile. (Nous soulignons)

Les Déclarations de copropriété contiennent parfois une clause qui stipule que les procurations complétées et signées doivent être remises au conseil d'administration dans un certain délai avant l'assemblée6.  En toute honnêteté, nous nous questionnons sur les motifs qui sous-tendent l'existence de telles clauses, si ce n'est, peut-être, que pour une meilleure logistique de l'enregistrement des personnes représentées au registre des signatures.

Quoi qu'il en soit, nous sommes d'avis qu'il serait abusif de refuser l'entrée à un mandataire parce qu'une telle clause n'aurait pas été respectée, puisque dans les faits, cela ne cause aucun inconvénient ou préjudice que ce soit dans le déroulement de l'assemblée lorsque le représentant remet la procuration lors de son arrivée sur les lieux où elle se tient. Devant une telle situation, le mandataire ne devrait pas hésiter à invoquer le droit de propriété de son mandant prévu à l'article 6 de la Charte Québécoise, ainsi que les dispositions de l'article 1056 C.c.Q. D'ailleurs, le tribunal a déjà jugé un tel refus comme étant « mesquin »7.

Lorsque le mandataire arrive à l'assemblée, il doit immédiatement remettre le formulaire de procuration à la personne qui accueille les copropriétaires. Cette personne en profitera pour vérifier si la procuration remise remplit les exigences de fond et de forme requises, et lui fera signer le registre des présences.

Lorsqu'une fraction de copropriété est détenue par plus d'un copropriétaire, chacun des copropriétaires doit être représenté à l'assemblée s'il ne peut y assister personnellement. L'article 1090 C.c.Q. prévoit en effet que les indivisaires exercent leurs droits dans la proportion de leur quote-part indivise.

L'indivisaire d'une fraction qui ne peut être présent à l'assemblée peut remettre sa procuration à l'autre indivisaire de la même fraction, ou à toute autre personne de son choix.

Ainsi, à titre d'exemple, advenant qu'une fraction de copropriété appartienne en indivision aux 5 enfants d'une même famille, chacun pour 20 % des voix, et qu'aucun d'eux ne puisse être présent à l'assemblée, il devra y avoir remise de 5 procurations, chacune valant 20 % des voix, à défaut de quoi la fraction ne sera pas entièrement représentée à l'assemblée.

Certaines déclarations de copropriété contiennent des clauses prévoyant que les indivisaires d'une même fraction doivent être représentés par l'un d'entre eux à l'assemblée. De telles clauses contreviennent à notre avis à l'article 1090 C.c.Q., qui est d'ordre public, et le copropriétaire indivisaire ne devrait pas hésiter, ici aussi, à invoquer son droit de propriété en vertu de l'article 6 de la Charte et l'article 1056 C.c.Q. afin de faire valoir son droit d'être représenté en fonction du nombre de voix qu'il représente dans la fraction, et par le mandataire de son choix, qui peut être une autre personne que l'autre indivisaire de cette fraction.

Dans les autres cas où il n'y a qu'un seul copropriétaire par fraction, si deux personnes se présentent à l'assemblée en détenant chacune une procuration pour la même fraction de copropriété, la procuration dont la date est la plus récente devra être retenue, en se fondant sur la teneur de l'article 2180 C.c.Q.8:

2180. La constitution par le mandant d'un nouveau mandataire, pour la même affaire, vaut révocation du premier mandataire, à compter du jour où elle lui a été notifiée.

Un représentant nommé ne peut assister à l'assemblée qu'en autant que le copropriétaire qui l'a nommé ne s'y présente pas lui-même, sauf pour le cas où le copropriétaire possède un droit de propriété sur plus d'une fraction. En effet, il faut éviter le double exercice des droits sur une même fraction, ce qui serait inéquitable pour les autres copropriétaires9.

Selon un jugement récent, si un copropriétaire veut que son conseiller juridique (avocat ou notaire) assiste et participe à l’assemblée, il faudra que ce dernier ait en mains une procuration en bonne et due forme. En l’absence de telle procuration, le conseiller juridique est à la merci de la décision des copropriétaires présents ou représentés à l’assemblée, qui est la seule compétente pour décider s’il pourra y être présent et y participer. C’est pourquoi nous suggérons aux conseillers juridiques de toujours s’assurer d’’obtenir une procuration, ceci afin d’éviter tout déplacement inutile . Il en est évidemment de même pour tout autre professionnel ou personne que l’on désire inviter à une assemblée et qui n’est pas lui-même propriétaire.

Quant à la délicate question de se prononcer sur la validité d’une procuration, rappelons-nous qu’il faut d’abord et avant tout favoriser le droit d’expression des copropriétaires lors de leurs assemblées. C’est pourquoi nous sommes d’avis qu’une procuration ne devrait être rejetée que dans les cas patents où à première vue, elle ne remplit pas les conditions de fond ou de forme qui sont requises.

Ainsi, pour jouir d’une présomption de validité, au moment de sa remise lors de l’enregistrement des présences à l’assemblée, la procuration doit à notre avis rencontrer les exigences suivantes :

• Contenir l’identité (nom et prénom) du copropriétaire qui veut se faire représenter (mandant);
• Contenir l’identité (nom et prénom) de la personne à qui l’on désire confier le mandat de se faire représenter (mandataire);
• Contenir la signature du mandant;
• Contenir la date de sa signature;
• Identifier la date de l’assemblée pour laquelle la procuration est donnée;
• Contenir l’étendue du mandat octroyé

Il faut faire preuve de prudence avant de rejeter une procuration. Ultimement, dans les cas qui ne sont pas manifestes, il appartiendra au Tribunal de statuer sur la validité ou non d’une procuration.

Enfin, quant à l’étendue des pouvoirs qui peuvent être accordés au représentant nommé dans la procuration, l’article 2136 C.c.Q. prévoit des pouvoirs élargis :

2136. Les pouvoirs du mandataire s’étendent non seulement à ce qui est exprimé dans le mandat, mais encore à tout ce qui peut s’en déduire. Le mandataire peut faire tous les actes qui découlent de ces pouvoirs et qui sont nécessaires à l’exécution du mandat. 

Ainsi, une procuration rédigée en termes larges devrait permettre au représentant nommé d’accomplir les tâches suivantes :

• Assister à l’assemblée;
• Se faire élire et agir comme officier;
• Prendre la parole à l’assemblée;
• Faire des propositions;
• Seconder des propositions;
• Proposer des amendements;
• Voter;
• Continuer à représenter le copropriétaire qui l’a nommé après une suspension ou un ajournement de l’assemblée.

En somme, le mandat donné au représentant pourrait couvrir l’exercice de l’ensemble des droits qui sont l’apanage du copropriétaire qu’il représente.

Évidemment, dans les cas où les pouvoirs seraient strictement encadrés dans le formulaire de procuration, le représentant devra s’y conformer et il ne pourra exercer de droit qui n’aurait pas été prévu.


1 Hôtel du Lac Tremblant inc. c. Syndicat de copropriétés Club Tremblant, bloc F-G, 2013 QCCS 1199, confirmé en appel, 2013 QCCA 2004.
2 Christine GAGNON et Yves PAPINEAU, Guide de procédure et de fonctionnement des assemblées des copropriétaires, Montréal, Wilson & La fleur, 2008, p. 13.
3 Le second alinéa de l'article 334 C.c.Q. prévoit ceci: « Elles [personnes morales qui empruntent une forme juridique régie par un autre titre de ce code] peuvent cependant, dans leurs règlements, déroger aux règles établies pour leur fonctionnement, à condition, toutefois, que les droits des membres soient préservés. ».
4 Voir Lambert c. Gagliardi, 2008 QCCS 5168.
5 Hôtel du Lac Tremblant inc. c. Syndicat de copropriétés Club Tremblant, bloc F-G, 2013 QCCS 1199, confirmé en appel, 2013 QCCA 2004
6 Généralement 24 à 48 heures avant le début de l'assemblée.
7 Tremblay c. Syndicat des copropriétaires Le Saint-Claude, 2005 CanLilI 6743 (QC CS). Voir aussi Christine GAGNON et Yves PAPINEAU, Guide de procédure et de fonctionnement des assemblées des copropriétaires. Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, p.17.
8 Voir aussi Christine GAGNON et Yves PAPINEAU, Guide de procédure et de fonctionnement des assemblées des copropriétaires, Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, p. 16
9 Christine GAGNON et Yves PAPINEAU, Guide de procédure et de fonctionnement des assemblées des copropriétaires, Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, p. 18
10 Hôtel du Lac Tremblant inc. c. Syndicat de copropriétés Club Tremblant, bloc F-G, 2013 QCCS 1199, confirmé en appel, 2013 QCCA 2004. À noter que cette question précise n’a pas été portée en appel.


Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.

Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée (IMAQ)
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