Projet de loi 150: adoption reportée en 2018
Revue CopropriétéPLUS, Hiver 2018
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photo de l'auteur Me Stefania Chianetta

 

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L'adoption du projet de loi 150, présenté à l'Assemblée Nationale par le Ministre des Finances le 31 octobre dernier, est reportée au début de 2018.

À première vue, ce projet de loi, intitulé « Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions des discours sur le budget du 17 mars 2016 et du 28 mars 2017 », semble en être un ne visant qu'à mettre en œuvre des budgets approuvés. Ce n'est toutefois pas le cas.

En effet, s'il est adopté tel qu'il se lit présentement, ce projet de loi modifiera plus de 80 lois et une dizaine de règlements actuellement en vigueur, incluant le Code civil du Québec.

Parmi ces nombreuses modifications, nous nous attarderons à la 14ème , soit celle qui modifie certaines dispositions du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. ») en matière de copropriété divise d'un immeuble, et plus particulièrement en matière d'assurance de copropriété.
Les notes explicatives du projet de loi 150 (ci-après « PL 150 ») prévoient ce qui suit :
« [...] 
Quatorzièmement, dans les matières concernant le secteur financier, le projet de loi propose:
1O. de modifier le Code civil afin, en matière de copropriétés divises d'un immeuble, notamment, de prévoir que les copropriétaires soient tenus de souscrire une assurance responsabilité dont le montant minimal sera déterminé par règlement du gouvernement et que le syndicat soit tenu de constituer un fonds d'auto-assurance affecté au paiement des franchises prévues par les assurances qu'il souscrit, de préciser les règles applicables à la cotisation au fonds d'auto-assurance et à l'assurance de l'immeuble et d'habiliter le gouvernement à déterminer par règlement des modalités applicables à ces cotisations et à de telles assurances: aussi, il modifie ce code afin [...]de permettre la conclusion de contrats d'assurance collective de dommages;
[...]
(les soulignés et caractères gras sont les nôtres)

Voyons de plus près les changements législatifs proposés par le Ministre des Finances concernant l'assurance des copropriétés divises si le projet de loi devait être adopté tel qu'il est présentement. 

Nous procéderons, dans un premier temps, en indiquant les modifications qui seront apportés par le PL 150 aux dispositions existantes, ainsi qu'en indiquant les dispositions qui seront ajoutées1, dans le but que vous ayez une idée claire, globale et générale des changements législatifs à venir concernant votre copropriété. Finalement, nous commenterons certaines modifications proposées.

 

Modification de l'article 1064 C.c.Q. afin d'ajouter le fonds d'auto-assurance

Après l'adoption du PL 150, l'article 1064 C.c.Q. se lirait ainsi: 

« Chacun des copropriétaires contribue, en proportion de la valeur relative de sa fraction, aux charges résultant de la copropriété et de l'exploitation de l'immeuble, ainsi qu'au fonds de prévoyance constitué et au fonds d'auto-assurance constitués en application de l'article 1071.
Toutefois, les copropriétaires qui utilisent les parties communes à usage restreint contribuent seuls aux charges qui en résultent. »

 

Ajout d'un article 1064.1 C.c.Q.

«Chacun des copropriétaires doit souscrire à une assurance couvrant sa responsabilité envers les tiers dont le montant obligatoire minimal est déterminé par règlement du gouvernement.»

Il est à noter que le règlement du gouvernement pris en application de cet article du PL 750 entrera en vigueur à la date qui suit de 6 mois celle de sa publication à la Gazette Officielle du Québec.

 

Modification de l'article 1070 C.c.Q.

« Le syndicat tient à la disposition des copropriétaires un registre contenant le nom et l'adresse de chaque copropriétaire et de chaque locataire, les procès-verbaux des assemblées des copropriétaires et du conseil d'administration, ainsi que les états financiers.

Il tient aussi à leur disposition la déclaration de copropriété, les copies de contrats auxquels il est partie, une copie du plan cadastrai, les plans et devis de l'immeuble bâti, le cas échéant, et tous autres documents relatifs à l'immeuble et au syndicat.

Le syndicat tient enfin à la disposition des copropriétaires une description des parties privatives suffisamment précise pour que les améliorations apportées par les copropriétaires soient identifiables. Une même description peut valoir pour plusieurs parties lorsqu'elles présentent les mêmes caractéristiques. »

Il est à noter que pour l'application de l'article 1070, tel qu'il sera modifié par le PL 750 s'il est adopté tel quel, dans les copropriétés divises établies avant le 31 octobre 2017 (date de présentation du projet de loi), les parties privatives sont réputées, dans l'état où elles se trouvent à cette date, ne comporter aucune amélioration apportée par un copropriétaire, à moins que le syndicat n'ait déjà mis à la disposition des copropriétaires une description des parties privatives conforme à cet article.

 

Remplacement de l'article 1071 C.c.Q.

« Le syndicat constitue un fonds de prévoyance et un fonds d'auto-assurance.

Le fonds de prévoyance est affecté aux réparations majeures et au remplacement des parties communes; il est établien fonction du coût estimatif de ces réparations et de ces remplacements. Le fonds d'auto-assurance est affecté au paiement des franchises prévues par les assurances souscrites par le syndicat; il est établi en fonction de celles-ci.

Ces fonds sont la propriété du syndicat; ils sont liquides et disponibles à court terme. »

 

Modification de l'article 1072 C.c.Q.

«Annuellement, le conseil d'administration fixe, après consultation de l'assemblée des copropriétaires, la contribution de ceuxci aux charges communes, après avoir déterminé les sommes nécessaires pour faire face aux charges découlant de la copropriété et de l'exploitation de l'immeuble et les sommes à verser au fonds de prévoyance, ainsi que les sommes à verser au fonds de prévoyance et au fonds d'auto-assurance.

La contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance est d'au moins 5% de leur contribution aux charges communes. Il peut être tenu compte, pour l'établir, des droits respectifs des copropriétaires sur les parties communes à usage restreint.

Le gouvernement détermine par règlement les modalités selon lesquelles est établie la contribution minimale des copropriétaires au fonds d'auto-assurance.

Le syndicat avise, sans délai, chaque copropriétaire du montant de ses contributions et de la date où elles sont exigibles»

Il est à noter que le règlement pris en application du 3ème alinéa de l'article 1072 entrera en vigueur à la date qui suit de 24 mois celle de sa publication à la Gazette officielle du Québec.

 

Modification de l'article 1073 c.c.Q

«Le syndicat a un intérêt assurable dans tout l'immeuble, y compris les parties privatives.

Il doit souscrire des assurances contre les risques usuels, tels le vol et l'incendie prévoyant une franchise raisonnable, contre les risques usuels, couvrant la totalité de l'immeuble, à l'exclusion des améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie lorsqu'elles peuvent être identifiées par rapport à la description de cette partie.

Le montant de l'assurance souscrite correspond à la valeur à neuf de l'immeuble doit pourvoir à la reconstruction de l'immeuble conformément aux normes, usages et règles de l'art applicables à ce moment; ce montant doit être évalué au moins tous les cinq ans par un membre d'un ordre professionnel désigné par règlement du gouvernement.

Il doit aussi souscrire une assurance couvrant sa responsabilité envers les tiers ainsi que celle des membres de son conseil d'administration et du gérant, de même que du président et du secrétaire de l'assemblée des copropriétaires et des autres personnes chargées de voir à son bon déroulement.

Le gouvernement peut prévoir, par règlement, les critères selon lesquels une franchise est considérée comme déraisonnable. De plus, un contrat d'assurance souscrit par un syndicat couvre de plein droit au moins les risques prévus par règlement du gouvernement, à moins que la police ou un avenant n'indique expressément et en caractères apparents ceux de ces risques qui sont exclus. Ces règlements peuvent établir des catégories de bâtiments, notamment en fonction de leur taille, de leur valeur et de leur situation géographique. »

Il est à noter que le règlement pris en application du 3ème alinéa de l'article 7073 entrera en vigueur à la date qui suite de 72 mois celle de sa publication à la Gazette officielle du Québec.

 

Ajout d'un article 1074.1 C.c.Q.

« Lorsque survient un sinistre mettant en jeu la garantie prévue par un contrat d'assurance de biens souscrit par le syndicat et qu'il décide de ne pas se prévaloir de cette assurance, celui-ci doit sans tarder voir à la réparation des dommages causés aux biens assurés.

Les sommes engagées par le syndicat pour la réparation de ces dommages sont des charges communes. Il en est de même du paiement des franchises prévues par les contrats d'assurance souscrits parle syndicat et, le cas échéant, de la différence entre les pertes matérielles qu'il subit et l'indemnité qu'il reçoit d'un assureur. »

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Ajout d'un article 1074.2 C.c.Q.

« Lorsque des assurances contre les mêmes risques et couvrant les mêmes biens ont été souscrites séparément par le syndicat et un copropriétaire, celles souscrites par le syndicat constituent des assurances en première ligne. »

 

Modification de l'article 1075 C.c.Q.

« L'indemnité due au syndicat à la suite d'une perte importante est, malgré l'article 2494, versée au fiduciaire nommé dans l'acte constitutif de copropriété ou, à défaut, désigné par le syndicat.

Le syndicat est tenu, à la suite d'une perte qui se qualifie d'importante selon les critères déterminés par règlement du gouvernement, de nommer un fiduciaire, à moins qu'il ne le soit par l'acte constitutif de copropriété; l'indemnité due au syndicat, à la suite de cette perte, est, malgré l'article 2494, versée à ce fiduciaire.

Elle doit être utilisée pour la réparation ou la reconstruction de l'immeuble, sauf si le syndicat décide de mettre fin à la copropriété; en ce cas, le fiduciaire, après avoir déterminé la part de l'indemnité de chacun des copropriétaires en fonction de la valeur relative de sa fraction, paie, sur cette part, les créanciers prioritaires et hypothécaires suivant les règles de l'article 2497. Il remet, pour chacun des copropriétaires, le solde de l'indemnité au liquidateur du syndicat avec son rapport. »

 

Ajout d'un article 1075.1 C.c.Q.

« Un assureur ne peut, malgré l'article 2474, être subrogé dans les droits du syndicat à l'encontre d'un administrateur, d'un copropriétaire ou d'une personne qui fait partie de la maison de ce dernier, à moins que le préjudice ne soit dû à une faute intentionnelle ou à une faute lourde. »

 

Modification de l'article 1078 C.c.Q.

« Le jugement qui condamne le syndicat à payer une somme d'argent est exécutoire contre lui et contre chacune des personnes qui étaient copropriétaires au moment où la cause d'action a pris naissance, proportionnellement à la valeur relative de sa fraction.

Ce jugement ne peut être exécuté sur le fonds de prévoyance, sauf pour une dette née de la réparation de l'immeuble ou du remplacement des parties communes; non plus que sur le fonds d'auto-assurance, à moins que le jugement n'ait pour objet le recouvrement d'une franchise d'assurance. »

 

Modification de l'article 1086 C.c.Q.

« Le syndicat peut remplacer l'administrateur ou le gérant qui, étant copropriétaire, néglige de payer sa contribution aux charges communes ou au fonds de prévoyance, au fonds de prévoyance ou au fonds d'auto-assurance. »

 

Modification de l'article 1094 c.c..Q

« Le copropriétaire qui, depuis plus de trois mois, n'a pas acquitté sa quote-part des charges communes ou sa contribution au fonds de prévoyance ou au fonds d'auto-assurance est privé de son droit de vote. »

 

Ajout d'un article 1106.1 C.c.Q.

« Dans les 30 jours suivant l'assemblée extraordinaire des copropriétaires, le promoteur doit remettre au syndicat la description des parties privatives prévue à l'article 1070. »

 

Modification de l'article 2724 C.c.Q.

« Les seules créances qui peuvent donner lieu à une hypothèque légale sont les suivantes:

1° Les créances de l'État pour les sommes dues en vertu des lois fiscales, ainsi que certaines autres créances de l'État ou de personnes morales de droit public, spécialement prévues dans les lois particulières;

2° Les créances des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble;

3° La créance du syndicat des copropriétaires pour le paiement des charges communes et des contributions au fonds de prévoyance et au fonds d'auto-assurance;

4° Les créances qui résultent d'un jugement.»

 

Modification de l'article 2729 C.c.Q.

« L'hypothèque légale du syndicat des copropriétaires grève la fraction du copropriétaire en défaut, pendant plus de 30 jours, de payer sa quote-part des charges communes ou sa contribution au fonds de prévoyance ou au fonds d'auto-assurance; elle n'est acquise qu'à compter de l'inscription d'un avis indiquant la nature de la réclamation, le montant exigible au jour de l'inscription de l'avis, le montant prévu pour les charges et créances de l'année financière en cours et celles des deux années qui suivent. »

Bien sûr, d'autres modifications sont apportées par le PL150 à des dispositions du C.c.Q., notamment à ses dispositions du chapitre sur les assurances. Pour une lecture complète de ces modifications, nous vous invitons à prendre connaissance du PL 150, qui est disponible sur le site web de l'Assemblée Nationale, à la séance du 31 octobre 2017.

 

CONSTATS ET COMMENTAIRES

D'emblée, la lecture du PL 150 nous amène à constater que le législateur, sous des apparences inoffensives, anodines, et avec un intitulé qui ne laisse aucunement présager de son contenu, a l'intention de modifier des dispositions impératives du C.c.Q. en matière de copropriété divise, notamment les articles 1064, 1071 et 1072, lesquels ont été déclarés à maintes reprises d'ordre public par nos tribunaux, même d'appel.

La lecture du PL 150 nous amène à un deuxième constat évident, qui est le très large pouvoir règlementaire que s'est gardé le législateur à l'égard des conditions, des montants, des modalités etc. pour la mise en œuvre et l'application de ce PL150 une fois qu'il sera adopté.

Or, cette façon de faire ne nous semble pas être idéale, ni être habituelle lorsqu'il s'agit de dispositions du Code civil du Québec.

Troisièmement, bien que certaines de ces modifications soient souhaitables, certaines autres retiennent notre attention et soulèvent certaines interrogations. La réalité sur le terrain et dans nos dossiers est souvent bien différente de la théorie et de la vision qu'en avait le législateur lorsqu'il a édicté sa loi.

Le quatrième constat qui s'impose à la lecture du PL 150, est que celui-ci favorise sans contredit l'industrie de l'assurance de biens et de dommages, ceci étant dit avec très grand respect pour cette industrie et tous ses intervenants, avec lesquels nous interagissons d'ailleurs régulièrement et avec plaisir.

Analysons cela de plus près.

D'abord, il est prévu que le syndicat de copropriété doive contracter une assurance prévoyant une franchise raisonnable. Quant au gouvernement, il pourra édicter un règlement sur ce que constitue une franchise déraisonnable.

On peut certes s'interroger sur les motifs d'une telle rédaction. Pourquoi laisser une telle faculté (<< peut ») au législateur? Pourquoi ne pas plutôt définir ce que constitue une franchise raisonnable puisque c'est ce que les syndicats doivent contracter avec leur assureur au moment de souscrire une police d'assurance? Pourquoi ne pas définir d'emblée et circonscrire les critères et conditions d'une franchise raisonnable?

En effet, il est tout à fait logique de penser qu'une franchise d'assurance qui respecterait un éventuel règlement du gouvernement sur ce que constitue une franchise déraisonnable, puisse quand même être déraisonnable eu égard aux cir-constances, situation, caractéristiques et faits propres d'un immeuble.

À titre d'exemple uniquement, dans l'éventualité où un règlement du gouvernement prévoirait qu'une franchise de 300 000.00 S constituerait une franchise déraisonnable, estce qu'une franchise d'assurance à 250 000.00 S serait pour autant raisonnable au sens de l'article 1073 C.c.Q. pour un immeuble de 100 parties privatives? Une telle franchise respecterait manifestement le règlement. La question se pose. Le législateur aurait-il l'intention de constituer un « code » complet des différentes définitions de ce que constitue une franchise déraisonnable, notamment par région, ville, secteur, matériaux de construction utilisés, risques assurables, âge de la construction, nombre de réclamations?

Deuxièmement, en ce qui concerne le registre de la copropriété prévu à l'article 1070 C.c.Q. il ne s'agit pas pour le syndicat de tenir une description des améliorations apportées par le(s) copropriétaire(s) à l'unité, mais bien une description des parties privatives à partir desquelles on peut identifier les améliorationsidentifiables »). Cette formulation était souhaitable car elle est susceptible d'amoindrir l'effet potentiellement désastreux qu'aurait la disposition transitoire concernant cette modification2.

Au sujet des améliorations, selon le nouvel article 1106.1 du PL150 s'il est adopté tel quel, le législateur a prévu une obligation, pour le promoteur, de remettre au syndicat la description des parties privatives dans les 30 jours de l'assemblée de transition. Soit. Mais qu'arrive-t-il si le promoteur ne se conforme pas à cette obligation et qu'il fait défaut de remettre cette description au syndicat? Ce ne serait pas la première fois qu'un promoteur néglige de remettre des documents qui doivent se retrouver au registre de la copropriété. Nous n'avons qu'à penser à l'obligation de remettre les plans et devis de l'immeuble « tel que construit ». Dans les faits, combien de syndicats possèdent de tels plans? Et combien se sont battus, en vain, pour les obtenir?

En cas de négligence, de défaut ou de refus du promoteur de remettre ces descriptions au syndicat, le seul recours offert à ce dernier sera une demande d'ordonnance en injonction, laquelle constitue un recours judiciaire long et couteux. Devant de tels coûts judicaires, il n'est pas rare que les syndicats n'aient le choix que de contrevenir à l'article 1070 C.c.Q. par leur défaut de tenir à la disposition des copropriétaires les plans et devis de l'immeuble, ou qu'ils optent pour faire reproduire les plans eux-mêmes par les professionnels impliqués dans la construction, à leurs frais, lorsque c'est possible.

Par ailleurs, en l'absence de définition de partie privative « de référence » ou de preuve documentaire adéquate de l'état initial des parties privatives, ne serait-il pas envisageable que l'assemblée des copropriétaires puisse approuver une définition de partie privative de référence qui serait produite à l'assureur?3 A défaut d'une telle définition, l'assureur, par voie d'avenant, inclurait dans la couverture d'assurance les améliorations aux parties privatives.

L'autre interrogation que nous avons à la lecture du PL150 concerne le droit du syndicat de continuer à pouvoir réclamer le remboursement de la franchise d'assurance au copropriétaire responsable d'un sinistre (ou dont la responsabilité lui incombe par le fait d'un de ses biens etc.). Ce droit de réclamer la franchise d'assurance (ainsi que toute surprime d'assurance qui serait la conséquence d'un sinistre) au copropriétaire responsable, est généralement prévu dans les déclarations de copropriété, et il découle des dispositions générales en matière de responsabilité civile (réparation des dommages causés à autrui).

D'une part, le PL150 prévoit que la franchise d'assurance sera une charge commune. Dans les faits, c'était déjà le cas. En effet, lorsque le syndicat, à l'occasion et suite à un sinistre, devait procéder à la réfection et la remise en état des parties privatives et communes affectées par ledit sinistre, il puisait les fonds nécessaires pour combler le montant de la franchise d'assurance (différence entre les coûts des travaux de réfection et l'indemnité versée par son assureur) dans le budget d'opération. Advenant un manque de fonds dans ce budget, il procédait par voie de cotisation spéciale auprès des copropriétaires.

Cet ajout du législateur n'apporte donc rien de nouveau et il est permis de s'interroger sur l'utilité de préciser explicitement qu'il s'agit de charges communes, eu égard notamment à la notion « d'ordre public » des articles 1064, 1071 et 1072 C.c.Q. et aux modifications des dispositions des déclarations de copropriété dans les délais prescrits.

D'autre part, le PL150 ne contient aucune interdiction explicite pour le syndicat de pouvoir réclamer au copropriétaire « responsable » le remboursement de la franchise d'assurance du syndicat lorsque lui-même, ses invités, occupants, locataires, ou ses biens, sont la cause du sinistre.

Également, le nouvel article 1075.1 C.c.Q., s'il est adopté tel quel, prévoit que l'assureur ne peut être subrogé dans les droits du syndicat à l'encontre d'un copropriétaire. Or, quels sont ces droits du syndicat? Les travaux de remise en état qu'il a fait réaliser? Les sommes qu'il a engagées pour réparer les dommages causés par le sinistre? Le paiement de la franchise d'assurance? Le paiement de l'augmentation (surprime) d'assurance? Le paiement de frais de gestion et d'honoraires professionnels (judiciaires et extra-judiciaires) encourus pour la gestion du sinistre et le recouvrement des sommes dues? La différence entre les pertes matérielles et l'indemnité reçue?

Finalement, le texte modifié proposé pour l'article 1078 C.c.Q. semble prévoir qu'un jugement ayant pour objet le recouvrement d'une franchise d'assurance puisse être obtenu. Toutefois, compte tenu du libellé du premier alinéa de cet article, ce serait un jugement qui condamnerait le syndicat et qui ne pourrait être exécuté sur le fonds d'auto-assurance que s'il a pour objet le recouvrement d'une franchise d'assurance.

Nécessairement, il découle de ce qui précède que la demande de recouvrement doit émaner d'un tiers et non du syndicat lui-même, qui se retrouverait à obtenir un jugement exécutable sur son propre fonds.

A notre avis, le droit du syndicat de réclamer au copropriétaire responsable du sinistre le montant de la franchise d'assurance doit être maintenu, voire devrait être étendu au remboursement des frais de gestion de sinistre du dossier et aux honoraires professionnels, incluant les honoraires judiciaires et extra-judiciaires que les syndicats n'ont souvent le choix d'encourir compte tenu du refus ou de la négligence de certains copropriétaires de rembourser les sommes réclamées, voire même d'assurer leur responsabilité civile.

A notre avis, il faudra procéder à l'amendement de la définition de « charges communes » dans les déclarations de copropriété afin d'inclure que le montant de la franchise d'assurance et les sommes requises en cas d'insuffisance d'assurance sont de la responsabilité du syndicat et constituent des charges communes, et qu'elles seront réparties conformément aux dispositions de l'article 1064 c.c..Q, sans renonciation toutefois à ce qu'il y ait un recours contre le copropriétaire responsable du sinistre.

En ce qui concerne la notion de « risques usuels » de l'article 1073 C.c.Q., le législateur devrait, à notre avis, définir et circonscrire cette notion et quels sont ces risques.

Le législateur, dans son règlement sur les risques couverts de plein droit, inclura-t-il les refoulements d'égouts, les infiltrations d'eau par les sols, par les ouvertures, les toitures, les tempêtes de vents et autres phénomènes environnementaux et climatiques de plus en plus fréquents, les tremblements de terre? C'est à suivre, mais nous constatons néanmoins de la rédaction de cet article que l'assureur aura tout loisir d'exclure un ou plusieurs de ces risques par sa police ou par voie d'avenant, comme c'est trop souvent le cas présentement, notamment pour les dégâts d'eau, les infiltrations d'eau etc.

Toujours concernant l'article 1073 C.c.Q., le législateur devrait préciser que l'évaluation aux 5 ans doit être faite par un évaluateur agrée (ce qui est généralement prévu dans les déclarations de copropriété). Cette évaluation devrait les coûts de démolition et de reconstruction de l'immeuble sans dépréciation, et inclure les frais de déblais et tous coûts supplémentaires pour la conformité aux nouvelles normes de construction, lois ou règlements applicables, notamment en matière municipal.

Au sujet du fonds d'auto-assurance, nous pouvons certes nous poser la question de savoir comment ce fonds sera renfloué après chaque sinistre. Quels seront les critères, conditions, exigences et délais pour ce faire?

La réalité, dans les faits, est que le fonds de prévoyance de la plupart des copropriétés du Québec est nettement insuffisant, certains étant même inexistants, et que les copropriétaires peinent à le renflouer ou à y contribuer à la hauteur du montant qui serait requis pour les réparations majeures et le remplacement des parties communes.

La réalité, dans les faits, est que lorsqu'il y a un sinistre et une insuffisance de fonds nécessaires pour procéder aux travaux de remise en état dans le budget d'opération, les syndicats procèdent par voie de cotisation spéciale, et non, généralement, par paiement par le prélèvement au fonds de prévoyance.

Or, à notre avis, et avec grand respect pour l'opinion contraire, et bien que l'intention soit louable, l'ajout d'un troisième fonds obligatoire n'est certes pas de nature à contribuer à régulariser la situation des fonds de prévoyance du parc immobilier en copropriété du Québec.

Aux termes de l'article 1064.1 C.c.Q. qui sera ajouté si le PL150 est adopté tel quel, les copropriétaires devront souscrire à une assurance responsabilité envers les tiers. A notre avis, ces copropriétaires devraient également être obligés de souscrire à une assurance couvrant leurs biens meubles et leurs effets mobiliers, les améliorations apportées à leur partie privative par eux-mêmes et/ou tout propriétaire antérieur, de même que leur responsabilité civile. Par ailleurs, nous sommes d'avis qu'il serait important qu'une telle obligation d'assurance soit étendue à tous les locataires ou occupants des parties privatives de l'immeuble.
En ce qui concerne l'article 1075.1 C.c.Q. proposé concernant la renonciation de l'assureur à la subrogation, notons que la plupart des contrats d'assurance prévoient déjà une telle renonciation. Il en est de même de plusieurs déclarations de copropriété. Il serait important, à notre avis, de préciser que l'entrepreneur et le promoteur ne sauraient bénéficier de cette renonciation.

L'article 1075.1 C.c.Q. n'inclut pas la renonciation entre assureurs. Toutefois, certains assureurs, membres du Bureau d'assurance du Canada (BAC) ont renoncé à leur droit de subrogation entre eux par l'adhésion et la signature d'une Convention de Règlement des sinistres en copropriété. Afin de simplifier et harmoniser le règlement des sinistres en copropriété, nous sommes d'avis qu'il faudrait que tous les assureurs adhèrent et soient signataires de cette convention.

Finalement, notons l'obligation qui sera faite aux syndicats de copropriété d'assurer leur responsabilité civile à l'égard des tiers, ainsi que celle de leurs administrateurs (c'est déjà généralement le cas), leur gérant (gestionnaire), le président et le secrétaire de l'assemblée des copropriétaires (officiers d'assemblée) et celle des autres personnes chargées de voir à son bon déroulement (de l'assemblée des copropriétaires).

En conclusion, bien que cette réforme de l'assurance en copropriété était très attendue par tous les acteurs et intervenants du milieu de la copropriété, les modifications proposées par le législateur suscitent plusieurs interrogations et soulèvent des doutes, voire des inquiétudes.

L'ajout d'un 3ème fonds à contribution obligatoire (fonds d'auto-assurance) risque-t-il de rendre la copropriété inaccessible aux nouveaux acheteurs, voire aux copropriétaires actuels? Quelles seront les conséquences de cette réforme sur le marché, sur l'offre et la demande?

Par cette réforme, le législateur a-t-il responsabilisé les copropriétaires pour leurs comportements, pour le soin et la diligence dont ils devraient faire preuve à l'égard de l'entretien et des réparations de leur partie privative, de ses composantes, de leurs biens? Ou au contraire, le législateur a-t-il plutôt préféré mettre ces responsabilités individuelles sur les épaules du syndicat de copropriété, devenant ainsi une obligation collective?

Bien des questions demeurent sans réponse et l'adoption du projet de loi 150, avec ou sans amendements, est un sujet à suivre au cours des prochaines semaines. D'ici son adoption, si vous avez des commentaires ou des suggestions à formuler quant à son contenu et aux modifications qui devraient être apportées, nous vous suggérons de les communiquer à votre député provincial.

De notre côté, nous vous invitons à ne pas hésiter à communiquer avec nous si vous avez des questions au sujet de ce qui précède ou pour toute modification des dispositions de votre déclaration de copropriété. Il nous fera plaisir de vous aider et de répondre à vos questions.

Sur ce, nous souhaitons de tout cœur, à tous et chacun d'entre vous une excellente année 2018 ! Santé, bonheur et prospérité


1Légende: les ajouts sont en caractères gras; les mots ou paragraphes. . supprimés sont en barré double. Les soulignements sont les notres et visent à mettre en évidence certains passages.
2Tel que vu précédemment, pour l'application de l'article 1070, tel qu'il sera modifié par le PL150 s'il est adopté tel quel, dans les copropriétés divises établies avant le 31 octobre 2017 (date de présentation du projet de loi), les parties privatives sont réputées, dans l'état où elles se trouvent à cette date, ne comporter aucune amélioration apportée par un copropriétaire, à moins que le syndicat n'ait déjà mis à la disposition des copropriétaires une description des parties privatives conforme à cet article.
3En procédant à l'amendement des dispositions de la déclaration de copropriété, au chapitre des assurances.


Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.

Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée (IMAQ)
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